Marina Tsvetaïeva

Marina Tsvetaïeva

Marina Tsvetaïeva
 
Figure importante de la poésie russe, méconnue de son vivant, Marina Tsvetaïeva s’exila en 1922 à l’étranger, où elle poursuivit son œuvre poétique. Elle regagna la Russie en 1939. L’hostilité à laquelle elle fut confrontée la poussa au suicide en 1941.

MARS

Ô pleurs d’amour, fureur !

D’eux-mêmes — jaillissant !

Ô la Bohême en pleurs !

En Espagne : le sang !

Noir, ô mont qui étend

Son ombre au monde entier !

Au Créateur : grand temps

De rendre mon billet

Refus d’être. De suivre.

Asile des non-gens :

Je refuse d’y vivre

Avec les loups régents

Des rues — hurler : refuse.

Quant aux requins des plaines —

Non ! — Glisser : je refuse —

Le long des dos en chaîne.

Oreilles obstruées,

Et mes yeux voient confus.

À ton monde insensé

Je ne dis que : refus.

15 mars-11 mai 1939.

À BORIS PASTERNAK Roger

Dis-tance : des verstes, des milliers…

On nous a dis-persés, dé-liés,

Pour qu’on se tienne bien : trans-plantés

Sur la terre à deux extrémités.

Dis-tance : des verstes, des espaces…

On nous a dessoudés, déplacés,

Disjoint les bras — deux crucifixions,

Ne sachant que c’était la fusion

De talents et de tendons noués…

Non désaccordés : déshonorés,

Désordonnés…

Mur et trou de glaise.

Écartés on nous a, tels deux aigles —

Conjurés : des verstes, des espaces…

Non décomposés : dépaysés.

Aux gîtes perdus de la planète

Déposés — deux orphelins qu’on jette !

Quel mois de mars, non mais quelle date ?!

Nous a défaits, tel un jeu de cartes !

24 mars 1925.

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